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Le Kebab...
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1 février 2009

Un hommage au Jardin d'Istambul

Qui ne s'est jamais arrêté devant ce morceau d'Orient, littéralement happé par les divines fragrances qui, tels des chants de sirènes, vous entraînent presque malgré vous dans l'échoppe. L'invitation au voyage vous est déjà proposée par l’enseigne qui arbore fièrement "Spécialités Turques et Greques" (l'omission du "c" est-elle volontaire ?). Quoi qu’il en soit, jamais une enseigne n’aura prôné le rapprochement entre les peuples. Si seulement les choses pouvaient être aussi faciles en Chypre par exemple.

Vous avez maintenant les deux pieds dans l'auberge, le premier pas est donc fait. Mais vous aurez la tête ailleurs en découvrant une décoration qui évoque la nostalgie d'une Turquie si lointaine mais omniprésente. Moult cadres savamment disposés dans toute la salle vous feront découvrir un pays qui ressemble davantage à la Suisse qu'à la porte de l’Asie, comme en témoignent les bucoliques alpages verdoyants et sommets enneigés qui y sont représentés ; quant ce n'est pas les rives illuminées du Bosphore flanquées de ce grandiloquent pont en arrière plan...

Un "Bijour mon ami, sur place ou à emporter, salatomatonion, quelle sauce ?" vous tirera de vos rêves d'Orient et vous ramènera à la réalité du moment : vous êtes ici pour satisfaire un besoin physiologique à savoir manger un kebab.

Il est important de préciser que l'usage du "mon ami" est très important dans le métier car il tend à instaurer avec le "visiteur" une relation de fraternité voire de confiance qui vous met tout de suite à l’aise. Chose que l'on ne retrouvera jamais dans un fastfood. Dans une certaine mesure, on pourra même remarquer que cette phrase magique dédramatise la transaction commerciale sous-jacente. Toutefois, en vertu du statut haut de gamme que l'on confère volontiers à ce kebab, il est nécessaire de préciser que le "mon ami" est de plus en plus soumis à des restrictions relatives au type de chaland auquel on s’adresse. A ce propos, notons que le Jardin d’Istambul jouit d’une situation exceptionnelle (ciné Gaumont+Hôtel Ambassadeur***+Gare+Rue piétonne) qui favorise le développement d’une clientèle diversifiée qui n’est pas toujours rompue aux basses familiarités. Tout est question de doigté comme de mesure. Bref, fermons cette petite parenthèse sémantique.

Devant le choix cornélien et cruellement binaire que Sukür (maître de cérémonie, sommelier et gratteur) vous assène telle une énigme de résoudre, vous vous raisonnez et vous dites que l’ « expérience » ne peut être réellement complète sans vous être assis à une de ces tables. Rien que pour ressentir l’ambiance des mille et une nuits qui plane dans la salle, vous répondez donc tout de go : « sur place chef ».

Désormais assis à votre table, vous ne vous sentez pas oppressé par Mamoud (le serveur), qui vous offre tout le loisir d’explorer la profondeur et les trésors cachés dont la carte recèle. Je ne m’aventurerai à une énumération caduque de tout ce que propose le Jardin d’Istambul, je préfère vous laisser découvrir par vous-même.

Nul doute que le choix du béotien se portera sur le classique mais non moins efficace kebab frites. Celui-ci incarne en quelque sorte le placement de bon père de famille pour celui qui veut en plus de sortir de table la larme à l’œil, se remplir la panse à bon compte pour se payer le luxe de sauter le repas du soir.

Une fois le joyau commandé, vous êtes alors le spectateur privilégié de tout une mécanique qui se met en branle rien que pour vous servir le meilleur kebab en just in time. Et quelle émotion en voyant cheminer de la cuisine jusqu’à votre table le joyau fumant... Le produit lui même est tout bonnement magique : la viande baigne dans une osmose de sauce samouraï, d'oignons et de légumes qui ne provoque rien moins que la jubilation au premier coup de croc. On vient même à se demander quelle place tiennent réellement les frites dans cette équation.

Le moment de payer vous fait redescendre sur terre. Le visage sabré de son large sourire, le patron ne vous chargera que de 5 euros, ce qui est très compétitif en vertu du coefficient de remplissage à faire pâlir n’importe quel fast-food.

Le statut d’habitué - attribué selon des critères obscurs et révisables chaque année - vous permettra de vous asseoir à la table présidentielle. C’est l’ultime sésame pour celui qui veut débattre avec le patron et sa famille des sempiternels sujets qui divisent la Turquie, comme la situation des Kurdes, le président Erdogan ou pire encore, les derbys stambouliotes opposant Besiktas-Fenerbahce-Galatasaray. Et là vous pourrez vous dire : "Istambul est mon jardin".

En espérant voir convaincu les derniers réfractaires de la gastronomie turque…

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Commentaires
P
Quelle prose :) Ca donne faim !!! Bonne continuation ;)
F
Tu fumes quoi ???
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